L’appel à la sainteté dans l’Eglise primitive et aujourd’hui
"Les 11 et 12 septembre 2009, Mgr Thierry Brac de la Perrière a participé à un colloque organisé par le diocèse de Galveston-Houston, au Texas, sur
l’appel à la sainteté. Voici le texte intégral de son intervention du samedi 12 septembre 2009.
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Introduction
Tout d’abord je voudrais saluer
votre Evêque, le cardinal Di Nardo, au nom de mon évêque, le cardinal Philippe Barbarin, et vous saluer tous, vous qui participez à cette conférence. Ma présence ici parmi vous s’explique de
plusieurs manières. Elle est d’abord liée à ma rencontre, il y a plusieurs années, avec Cecilia Estrada, coordinatrice de cette conférence. Mais l’occasion de ma venue est liée surtout aux liens
qui unissent, dans l’histoire, votre diocèse et celui auquel j’appartiens. Car Jean-Marie Odin et Claude Dubuis, vos deux premiers évêques, sont originaires de deux villages du diocèse de Lyon,
Ambierle pour Jean-Marie Odin et Coutouvre pour Claude Dubuis. Ces deux Français sont plus connus chez vous que chez nous ! Il en est ainsi des nombreux missionnaires partis de Lyon au 19e
siècle, pour fonder l’Eglise en Afrique, en Océanie et en Amérique du nord. Jean-Marie Odin, au cours des 22 ans de son épiscopat dans le diocèse de Ce qui m’est demandé aujourd’hui c’est de parler de la
sainteté dans l’Eglise primitive. Les saints de l’Eglise primitive étaient-ils d’une autre « espèce » que ceux d’aujourd’hui ? L’appel à la sainteté était-il différent de celui d’aujourd’hui ? La réponse est non, bien sûr, mais la question est intéressante.
Car, en regardant 18 ou 19 siècles en arrière, on peut mesurer la fidélité de Dieu à son Eglise et on peut contempler la manière dont, à chaque époque, l’unique Esprit donne des réponses
infiniment variées au défi du témoignage évangélique. Je procéderai en trois étapes :
* D’abord le rappel qu’il n’y a qu’une seule sainteté, selon l’enseignement de Vatican II. Je ne m’y attarderai pas, puisque
la conférence d’ouverture, hier matin, vous l’a largement développé.
* Puis j’évoquerai les différentes façons dont l’appel à la sainteté s’est traduit dans l’Eglise primitive, avec les
évolutions des chemins de sainteté. Vous me pardonnerez d’illustrer largement mon propos par l’évocation des martyrs de Lyon.
* Enfin, pour introduire aux conférences d’aujourd’hui sur Oscar Romero, Maria Esperanza Bianchini, Jean-Paul II et Mère Teresa, je tâcherai d’esquisser un rapprochement entre les voies de la
sainteté dans l’Eglise primitive et celles qui s’ouvrent pour nous aujourd’hui.
I - L’appel universel à la sainteté
Je rappelle pour commencer qu’il y a un unique appel à la sainteté, selon l’enseignement traditionnel de
l’Eglise rappelé par le Concile : une seule sainteté, celle de Dieu, que le Christ communique à son Eglise par l’Esprit
Saint.
Je cite un seul passage de Lumen Gentium : Dans les formes diverses de vie et les charges différentes c’est une seule sainteté que cultivent
ceux que conduit l’Esprit de Dieu et qui, obéissant à la voix du Père et adorant Dieu le Père en esprit et en vérité, marchent à la suite du Christ pauvre, humble et chargé de la croix, pour
mériter de devenir participants de sa gloire. Chacun doit résolument avancer, selon ses propres dons et ressources, par la voie d’une foi vivante qui stimule l’espérance et agit par la
charité. LG 41
« Une foi vivante qui stimule l’espérance et agit par la charité ». Le concile reprend saint Paul, de qui nous vient cette belle trilogie de la foi, l’espérance et la charité, qui est
une triple et en même temps unique voie vers la sainteté : « Sans cesse nous nous souvenons que votre foi est active, que votre charité se donne
de la peine, que votre espérance tient bon en notre Seigneur Jésus Christ, en présence de Dieu notre Père. »Voilà ce que Paul dit aux chrétiens de Thessalonique, au tout début de la
première lettre qu’il ait écrite. La sainteté chrétienne n’est rien d’autre qu’une vie animée par la foi, l’espérance et la charité. « Ta foi t’a
sauvé », ne cessera de dire Jésus. Et les lettres de Paul ainsi que la lettre aux Hébreux développeront ce thème-là. En contrepoint, l’apôtre Jacques soulignera que la foi sans les œuvres
est morte. Ce avec quoi Paul est parfaitement d’accord, puisqu’il dit que si j’ai une foi à transporter les montagnes mais que je n’ai pas la charité, je ne suis rien (cf 1Co 13,2).
Jésus nous donnera dans les Béatitudes le portrait du saint, et ce portrait traverse les siècles. Ce n’est pas pour rien que cet évangile est choisi pour la fête de Toussaint. Car le saint est un
cœur ajusté au Royaume des cieux, là où règne le seul Saint, Dieu lui-même, qui est trois fois saint. Le Royaume de Dieu appartient à ceux qui ont un cœur de pauvre, à l’image de Celui qui est
doux et humble de cœur. Le visage de Dieu se reflète sur les cœurs purs. La justice de Dieu, sa paix, sa miséricorde, seront servies en abondance aux artisans de paix, aux affamés de justice et
aux miséricordieux. Or ce sont les mêmes qui sont persécutés. Oui, heureux sont-ils, même dans la persécution et dans les larmes, car ils seront pleinement consolés. Nous verrons comment cette
unique sainteté, qui est celle du Christ lui-même, se manifestera au long des siècles, par des chemins très différents. La sainteté nous rend contemporains du Christ et les uns des autres, car c’est un même Esprit qui unit les disciples, des origines de l’Eglise jusqu’à nos jours, c’est une
unique sève qui irrigue la vigne du Seigneur.
II - La sainteté dans l’Eglise primitive (cf LG 42 Les voies et moyens de la sainteté)
Il n’est pas aisé de caractériser ce qu’a de spécifique l’appel à la sainteté dans l’Eglise primitive. D’abord, qu’est-ce que
l’Eglise primitive ? Elle commence à la Pentecôte, avec le don de l’Esprit et l’éclosion des premières communautés. Où finit-elle ? Il semble qu’il faille mettre à part l’âge proprement
apostolique, c’est-à-dire le premier siècle, marqué par la présence des apôtres eux-mêmes. Une autre période commence avec la mort des témoins oculaires et la rédaction des Evangiles. C’est alors
à la fois une période de persécutions et de structuration de l’Eglise. Il semble que l’Eglise primitive prend fin avec l’édit de Constantin, en 313, qui donne à l’Eglise un nouveau visage, celui
d’une institution visible, reconnue socialement, et même proche du pouvoir impérial.
1. L’Eglise comme communauté
sainte : la communion fraternelle
L’appel qui apparaît dans les tout premiers instants de l’Eglise est celui du rassemblement dans la foi au Christ ressuscité. Les premières prédications se
résument en deux mots : « Croyez » et « Convertissez-vous ». Ces deux mots s’appellent l’un l’autre :
« Convertissez-vous » signifie « Croyez au nom de Jésus ressuscité ». La prédication de Pierre après la Pentecôte ressemble à celle de Jean-Baptiste au début de
l’Evangile : elle est l’annonce de Jésus qui vient avec puissance. En réponse à cette annonce, les gens posent la même question, à Pierre comme à Jean-Baptiste : « Que
devons-nous faire ? » (Luc 3,10.12.14 ; Ac 2,37). Mais après la résurrection, c’est la réponse qui diffère. Alors que Jean-Baptiste disait (en résumé) : menez une vie
droite, Pierre dit : « Convertissez-vous, et que chacun de vous se fasse baptiser au nom de Jésus. » Ce qui importe donc, c’est d’une part le changement de vie morale, et
d’autre part l’adhésion à Jésus ressuscité moyennant la foi en la puissance de son nom. « Tout repose sur le nom de Jésus », proclame-t-il après la guérison de l’infirme à la
Belle-Porte (Ac 3, 16). Et de nouveau il annonce que ce nom de Jésus doit être invoqué pour le pardon des péchés et entraîne la conversion (Ac 3,19)
A cette annonce de la résurrection, la première réponse visible est la constitution de communautés rassemblées par le nom de Jésus. La sainteté est donc d’abord
celle de la communauté elle-même, communauté qui est communion dans la foi, l’espérance et la charité. Le tableau idyllique de la communauté primitive (Ac 2,42 ; 4,32) est sans doute moins
une description de la réalité que la représentation d’un appel adressé à toute l’Eglise, constituée par le Christ ressuscité et dans l’Esprit Saint comme peuple
saint autant que comme peuple de saints. C’est la sainteté de ce peuple, uni dans la foi, l’espérance et la charité, et régénéré par l’eau et l’Esprit Saint,
qui appelle la sainteté de ses membres. Ceux que l’apôtre Paul nomme « les saints » ne reçoivent pas ce nom du fait
de leurs mérites personnels, mais de leur adhésion au Christ, le Saint, qui les a fait naître à la vie nouvelle par le baptême. Le premier appel à la
sainteté est donc l’appel à entrer dans le peuple sanctifié par le Christ et à recevoir, moyennant la foi, la grâce de la vie
nouvelle.
A la lumière de ce que vit l’Eglise en train de naître, on voit les différents aspects du témoignage de sainteté qu’elle est appelée à donner, et auxquels l’apôtre Paul travaillera tout au long de sa vie. Tout son souci, auprès des communautés qu’il sera amené à visiter ou même à fonder, sera de
les aider à rester fidèles à la sainteté de leur vocation, c’est-à-dire à rester fermes dans la foi, dans l’espérance et dans la charité. Ainsi, il luttera tour
à tour pour les encourager à garder l’espérance au milieu des épreuves, à rester dans l’unité de la foi, à vivre dans la communion fraternelle, l’entraide entre Eglises, mais aussi à avoir le
souci des pauvres et des faibles, et à faire fructifier les dons de l’Esprit, dans la diversité des charismes et des ministères. L’organisation même de l’Eglise doit signifier sa sainteté : l’institution des Sept (diacres) en est une illustration, car il s’agit de manifester dans la structure même de l’Eglise le ministère de la charité, le
service des pauvres.
Le premier appel à la sainteté est donc l’appel à un témoignage collectif à rendre au
Christ au milieu du monde. La sainteté des communautés réside dans la qualité de leur communion fraternelle, dans la force de leur foi, de leur espérance et de
leur charité. Cette sainteté suppose évidemment celle de chacun de ses membres, qui ne va pas de soi, et les Actes des apôtres comme les lettres de Paul mais
aussi les lettres aux sept Eglises, dans l’Apocalypse, montrent les difficultés de ce témoignage. Le péché des uns ne fait que donner plus de valeur à la fidélité des autres. La sanction qui
frappe le mensonge d’Ananie et Saphira, les critiques de Paul envers les Galates et les Corinthiens, les reproches de Jésus aux Eglises d’Asie mineure dans l’Apocalypse, sont autant
d’appels à la sainteté, une sainteté toujours en lutte avec l’esprit du monde. Cette lutte
contre l’esprit du monde, ce témoignage rendu au nom de Jésus dans un monde voué aux cultes païens va se traduire très vite par le martyre. C’est par la voie du martyre que se dégagent des
figures personnelles de sainteté, à commencer par le diacre Etienne, et cette voie du martyre peut être considérée comme emblématique de l’Eglise primitive.
C’est cet aspect que je vais développer maintenant.
2. La voie du martyre
Qu’est-ce qu’un martyr ? Le Concile Vatican II, dans la Constitution Lumen Gentium, en donne une définition : « Le martyre dans lequel le disciple est assimilé à son
maître, acceptant librement la mort pour le salut du monde, et dans lequel il devient semblable à lui dans l’effusion de son sang, est considéré par l’Eglise comme une grâce éminente et la preuve
suprême de la charité ». LG 42
Voilà qui a de quoi surprendre. Le martyre « est la preuve suprême de la charité ». Le témoignage du martyre est vu habituellement sous l’angle de la foi, et l’on se serait attendu à
une expression telle que « le martyre est la preuve suprême de la foi et de l’espérance ». Le concile a préféré parler du martyre en termes de charité. Et cela peut être utile pour
échapper à certaines ambiguïtés. En effet, on pourrait assimiler le martyr simplement à un héros, qui meurt pour ses convictions. Oui, le martyr chrétien est un héros, un héros du Christ. Mais
cet héroïsme est celui de la foi, de l’espérance et de la charité. Cela le distingue radicalement d’autres figures de héros, que l’on trouve, soit dans l’histoire d’Israël avec les frères
Maccabées sous Antiochus Epiphane, soit dans l’actualité, avec ceux qui aujourd’hui se font sauter avec des bombes ou avec des avions (hier était un triste anniversaire), semant la mort autour
d’eux, et qui se donnent le titre de martyrs.
Le martyr chrétien n’est animé d’aucune haine, ne provoque aucune violence, il ne fait que la subir. Il associe l’amour de Dieu et l’amour des ennemis, à l’image du Christ. On en trouve la
meilleure illustration avec Etienne, qui, à l’exemple de Jésus, prie pour ses bourreaux : « Ne leur compte pas ce péché ». « Pardonne-leur, ils ne savent pas ce
qu’ils font ». Et l’on retrouve ce trait dans les actes des martyrs des premiers siècles. Dans leur témoignage, se joignent de façon étroite la foi, l’espérance et la charité. Je me
permets de prendre l’exemple des martyrs de Lyon, au 2e siècle, dont le récit a été conservé par Eusèbe de Césarée dans son Histoire ecclésiastique, car leur témoignage illustre bien ce
qu’est la sainteté des martyrs.
1. Tout d’abord, il apparaît que l’appel au martyre vient d’une seule question posée, question dont la réponse aura des conséquences radicales : « Es-tu chrétien ? – Je
suis chrétien ! » Blandine : « Je suis chrétienne et il n’y a chez nous rien de mauvais ». Sanctus : « A toutes les questions il répondait en
latin : ‘je suis chrétien’ ; cette affirmation lui tenait lieu de nom, de cité, de race et de tout ; et les païens n’entendirent pas de lui une autre parole. » p.28.
Pothin : « Interrogé par le légat sur le Dieu des chrétiens, il répondit : ‘Tu le connaîtras si tu en es digne’ »p.30. Je suis chrétien, je suis du Christ :
cette parole, lorsqu’elle risque de coûter la vie, est un acte. Un acte de foi, un acte d’amour pour le Christ, un acte d’espérance dans le Christ, dont on croit qu’il est le chemin, la vérité et
la vie. La sainteté chrétienne, particulièrement dans le martyre, est un oui au Christ, un oui dit jusqu’à la mort.
2. Ce témoignage rendu au Christ est un témoignage de foi et d’espérance, mais aussi de charité, comme le rappelle le Concile. Les martyrs sont pleins de
miséricorde pour leurs bourreaux, mais aussi pour leurs frères chrétiens qui sont « tombés », qui ont renié le Christ sous la menace : « Ils ne se vantèrent pas aux dépens
de ceux qui avaient lâché pied. Au contraire, ce qu’ils avaient en surabondance, ils le réservaient à ceux qui étaient plus démunis, avec des entrailles maternelles ; versant sur eux
beaucoup de larmes, ils demandaient au Père la vie (premier témoignage de communion des saints : les martyrs prient pour ceux qui sont tombés). Il la leur donna, et ils la partagèrent avec
ceux qui étaient proches. Ils s’en allèrent vers Dieu, vainqueurs de toute manière ; ayant toujours aimé la paix et nous l’ayant assurée, c’est avec cette paix qu’ils partirent vers Dieu,
sans laisser d’inquiétude à leur mère (l’Eglise), ni de cause de dissension ou de lutte à leurs frères, mais au contraire la joie, la paix, la concorde et l’amour. » p.39
3. Dans le martyr, c’est le Christ qui combat : « En la personne de Blandine, le Christ montra que ce qui paraît aux yeux des hommes sans beauté, simple, méprisable, est digne, aux
yeux de Dieu, d’une grande gloire à cause de l’amour qu’on a pour lui, cet amour qui se montre dans ce qu’on est capable de faire et ne se vante pas d’une apparence extérieure. »
(p.27)
4. Et par-dessus tout, le seul véritable martyr est le Christ, lui « le témoin fidèle » : « C’est à ce point que, placés dans une situation aussi glorieuse, ayant rendu
témoignage non pas une ni deux fois, mais à plusieurs reprises, ayant été, d’autre part, exposés aux bêtes, restant couverts de brûlures, de plaies, de meurtrissures, ils ne se proclamaient pas
eux-mêmes martyrs et ils ne nous permettaient pas non plus de les appeler de ce nom. Au contraire, si quelqu’un d’entre nous, une fois dans une lettre ou une
conversation, les appelait martyrs, ils lui en faisaient les plus vifs reproches. Car ils étaient heureux de réserver le titre de martyr au Christ, le martyr
fidèle et authentique, le premier-né d’entre les morts, le dispensateur de la vie divine. »
La voie du martyre, dans l’Eglise primitive, est donc la première façon dont des chrétiens vont manifester la radicalité de leur appartenance au Christ. Mais le oui radical au Christ ne s’exprime
pas que dans le martyre. La sainteté dans l’Eglise, l’héroïsme évangélique va trouver d’autres formes d’expression. Lorsque cessent les persécutions, il faut
encore combattre. La foi et l’amour ont encore des luttes à mener, non plus contre des ennemis extérieurs, mais contre l’ennemi intérieur.
3. La voie du détachement : l’ascétisme et le monachisme
Après la voie du martyre vient la voie de l’ascèse, sous ses différentes formes : l’érémitisme et le monachisme. Ce sont les Pères du désert, à commencer par saint Antoine, ce sont les
grands fondateurs de la vie monastique, saint Basile en orient et saint Benoît en occident. On n’est plus là tout à fait dans l’Eglise primitive, mais on est
encore dans les temps de la fondation de l’Eglise, une Eglise de priants, une Eglise qui va retrouver, à travers l’observance des conseils évangéliques, une part de ce que vivait la première
communauté de Jérusalem, qui mettait tout en commun. Cet appel est bien un appel particulier à la sainteté, où il s’agit de pratiquer à la lettre la consigne de Jésus : « Celui qui veut venir à ma suite, qu’il renonce à lui-même » Mt 16,24. Et
encore : « Quiconque aura quitté à cause de mon nom des maisons, des frères, des sœurs, un père, une mère, des enfants ou une terre, recevra beaucoup plus, et il aura en héritage la
vie éternelle » Mt 19,29.
L’appel au détachement radical, particulièrement dans le choix de la chasteté parfaite, apparaît comme une alternative au martyre, mais il ouvre une voie
durable à une forme de vie chrétienne qui sera, dans l’Eglise, une voie royale de sainteté. « Cette continence parfaite à cause du règne de Dieu,
dit le Concile, a toujours été l’objet de la part de l’Eglise d’un honneur spécial, comme signe et stimulant de la charité et comme une source particulière de fécondité spirituelle dans le
monde. » LG 42. Et il prend sa source dans l’Evangile : « Il y en a qui ont choisi de ne pas se marier à cause du Royaume des cieux. Celui qui peut comprendre, qu’il
comprenne ! » Mt 19,12.
4. La voie de l’engagement : le service des pauvres
La troisième voie de sainteté qui se fait jour dans l’Eglise des premiers siècles est l’engagement dans le service des pauvres. Le diacre Laurent illustre à la
fois l’appel au martyre et l’appel à honorer les pauvres. Je vous en rappelle brièvement
l’histoire. Sixte II, vers l’an 250, fit de Laurent le premier des sept diacres attachés au service de l’Église romaine. A ce titre, il avait la garde du trésor de l’Église et était chargé d’en
distribuer les revenus aux pauvres. Les menaces pesant de plus en plus sur les chrétiens, Sixte lui ordonna de distribuer aux pauvres toutes les richesses dont il était dépositaire. Laurent
distribua donc aux pauvres tout l’argent qu’il avait entre les mains, puis il vendit les vases et les ornements sacrés, et en employa le produit de la même manière. Cependant le préfet de Rome,
informé que l’église possédait des trésors, fit venir Laurent et lui ordonna de les livrer pour les besoins publics. Laurent demanda un peu de temps, fit venir les orphelins, puis dit au préfet
en les lui montrant : « Voilà les trésors de l’Église, que je vous avais promis. » Cela mit en fureur le préfet, et Laurent fut condamné à être brûlé sur un gril.
L’autre grande figure qui émerge, au tout début du 4e siècle, est celle de saint Martin, dont la vie est écrite par Sulpice Sévère. Martin, jeune soldat de Pannonie, en Hongrie actuelle, est
célèbre pour l’épisode où il partage son vêtement en deux pour le donner à un pauvre mourant de froid. Mais la sainteté de Martin s’est aussi manifestée
antérieurement, dans sa fonction d’officier, où il brossait lui-même les chaussures de son serviteur, à l’image de Jésus lavant les pieds de ses disciples, et il consacrait son temps et son
argent à soigner les malades et nourrir les pauvres. C’est lui qui plus tard deviendra évêque de Tours et évangélisera les campagnes françaises.
III – La sainteté d’hier, appel pour aujourd’hui
En portant un regard sur l’Eglise primitive, j’ai essayé de montrer quelles voies de sainteté se sont présentées à elle. La question se pose pour nous
aujourd’hui. La sainteté de l’Eglise primitive est-elle pour nous aujourd’hui ? La réponse est claire : oui, nous sommes appelés à la même sainteté. Les premiers chrétiens n’étaient pas faits d’une autre pâte humaine que nous. L’Esprit Saint qui leur a été
donné est le même qui aujourd’hui encore suscite d’authentiques témoins du Christ.
1 – L’Eglise comme communauté sainte : l’actualité de l’épître à Diognète
Ce que j’ai souligné tout d’abord, c’est l’aspect collectif du témoignage de l’Eglise primitive. Les Actes des apôtres nous disaient que « la multitude de ceux qui avaient adhéré à la
foi avaient un seul cœur et une seule âme ». A ce texte, fait écho un célèbre écrit du 2e siècle, l’Epître à Diognète, qui, malgré son caractère apologétique, est un bon
témoignage de la façon dont l’Eglise primitive entend l’appel à être une communauté sainte au milieu du monde. Je vous en cite quelques passages :
« Les chrétiens ne se distinguent des autres hommes ni par le pays, ni par le langage, ni par les vêtements. Ils n’habitent pas de villes qui leur soient propres, ils ne se servent pas
de quelque dialecte extraordinaire, leur genre de vie n’a rien de singulier... Ils se conforment aux usages locaux pour les vêtements, la nourriture et la manière de vivre, tout en manifestant
les lois extraordinaires et vraiment paradoxales de leur république spirituelle.
Ils résident chacun dans sa propre patrie, mais comme des étrangers domiciliés. Ils s’acquittent de tous leurs devoirs de citoyens, et supportent toutes les charges comme des étrangers. Toute
terre étrangère leur est une patrie et toute patrie une terre étrangère. Ils se marient comme tout le monde, ils ont des enfants, mais ils n’abandonnent pas leurs nouveau-nés. Ils partagent tous
la même table, mais non la même couche.
Ils sont dans la chair, mais ne vivent pas selon la chair. Ils passent leur vie sur la terre, mais sont citoyens du ciel. Ils obéissent aux lois établies et leur manière de vivre l’emporte en
perfection sur les lois. En un mot, ce que l’âme est dans le corps, les chrétiens le sont dans le monde…
Si noble est le poste que Dieu leur a assigné, qu’il ne leur est pas permis de déserter. »
Dans ce texte, l’Eglise apparaît comme une communauté prophétique, comme un signe visible du Royaume de Dieu qui est comme un levain dans la pâte du monde. « Ce que l’âme est dans le corps,
les chrétiens le sont dans le monde ». On se remémore le discours de Jésus sur la montagne : « Vous êtes le sel de la terre, la lumière du monde ». L’Eglise est appelée à donner de façon communautaire ce témoignage. Je reprends différents éléments de ce texte, en essayant de montrer leur actualité :
« Les chrétiens ne se
distinguent des autres hommes ni par le pays, ni par le langage, ni par les vêtements. »
Cela, pour nous, est une évidence. Mais qu’est-ce que cela veut dire ? Cela veut dire que le christianisme n’appartient pas à une culture particulière, il s’adapte à toutes les cultures. La
sainteté chrétienne est de savoir s’adapter sans s’assimiler. Or dans l’histoire il n’en a pas toujours été ainsi. Les chrétiens n’ont pas toujours su faire la
différence, dans les pays de mission, entre apporter l’Evangile et apporter la civilisation occidentale. Le monde musulman, aujourd’hui, se sert de cela pour associer le christianisme à la
civilisation occidentale, et, en France notamment, de plus en plus de musulmans, hommes et femmes, marquent leur appartenance religieuse par le vêtement : la djellaba, le voile ou même la
burqa. En cette époque de mondialisation, qui paradoxalement conduit à des réflexes de manifestation identitaire, les chrétiens sont appelés à résister à la
tentation du communautarisme, qui est une forme de repli sur soi. Ils sont en plein monde sans être du monde, il leur faut résister à deux risques : celui de se perdre dans le monde et celui
de se sortir du monde.
Toute terre étrangère leur
est une patrie et toute patrie une terre étrangère.
Cela rappelle ce que dit l’apôtre Paul : « Nous sommes citoyens des cieux » (Ph 3,20). Egalement : « Il n’y a plus juif ni grec ».
Autrement dit, notre témoignage doit être celui d’une fraternité qui déborde toutes les frontières. Nous ne pouvons avoir peur de la mondialisation, puisqu’elle est inscrite dans nos gènes.
L’appartenance chrétienne doit dépasser tout nationalisme et tout conflit ethnique. Et cela peut conduire les chrétiens à vivre des situations douloureuses. On voit ce que cela veut dire en Inde,
où les chrétiens sont considérés comme moins indiens que les autres ; dans le monde musulman, où ils ont un statut de « protégés », c’est-à-dire n’ont pas tous les droits. On voit
aussi la folie meurtrière interethnique qui s’est produite au Rwanda. Une folie dans laquelle se sont laissé entraîner des gens qui ont reçu le baptême. Un certain nombre ont pourtant résisté à
cette folie, au nom même de leur baptême, et ils l’ont souvent payé de leur vie.
Ils sont dans la chair,
mais ne vivent pas selon la chair. Ils passent leur vie sur la terre, mais sont citoyens du ciel.
Les chrétiens n’étant pas du monde, ils ont à être dans le monde des prophètes de l’espérance, des témoins du Royaume qui n’est pas de ce monde. Dans l’antiquité romaine, le pouvoir donnait au
peuple « du pain et des jeux », panem et circenses, selon l’expression de Juvénal. Il s’agissait pour le pouvoir romain d’empêcher toute révolte en nourrissant le peuple et en
le divertissant. Or on retrouve la même chose aujourd’hui : la société réclame du pain et des jeux. Elle réclame du pouvoir d’achat et du divertissement. Alors que Marx accusait la religion
d’être l’opium du peuple, en lui vendant du rêve et de l’illusion, on pourrait aujourd’hui retourner l’expression en disant que la télévision est l’opium du peuple. Elle l’endort et le réduit à
n’être qu’un troupeau de moutons consommateurs de vide. Les chrétiens ont pour tâche de rappeler que « l’homme ne vit pas seulement de pain mais de
toute parole qui sort de la bouche de Dieu » (Mt 4,4). Dans un monde qui ne vit que d’espoirs à court terme, toujours insatisfaisants, les chrétiens annoncent une espérance qui doit
combler le cœur de l’homme. En même temps, comme dans l’antiquité, on peut observer une attirance pour les spiritualités orientales. Le monde n’a plus d’utopies, de messianisme, mais cherche des
sagesses, des arts de vivre. L’Evangile est une sagesse, un art de vivre, mais à travers la folie et le scandale de la croix.
Ils obéissent aux lois
établies et leur manière de vivre l’emporte en perfection sur les lois.
La loi du chrétien est celle de l’amour, et cette loi l’emporte sur toutes les autres. Nous sommes appelés à vivre selon la loi de l’Esprit :
« Voici ce que produit l’Esprit : amour, joie, paix, patience, bonté, bienveillance, foi, humilité et maîtrise de soi. Face à tout cela, il n’y a plus de loi qui tienne »
(Ga 5,22-23). Or nous vivons dans une société qui se donne légitimement ses lois. St Paul nous dit : « Soyez soumis à toute autorité. Elle est au service de Dieu pour promouvoir le
bien » (Rm 13,1). Et de fait, si les chrétiens suivent l’Evangile, ils n’ont pas de difficulté à appliquer la loi des hommes. Qui plus est, ils n’ont pas à craindre de se mettre au
service de la cité. « Rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu », nous dit Jésus. Cependant il peut arriver que la loi des hommes contredise la loi de
Dieu. Les chrétiens peuvent alors se trouver devant des cas de conscience. Car, comme le dit l’apôtre Pierre devant le sanhédrin : « Il vaut mieux obéir à Dieu qu’aux
hommes ». Je pense à certains médecins, en France, pour qui il est de plus en plus difficile de faire valoir la clause de conscience pour refuser de pratiquer des avortements. Ou bien
aux personnes ou aux organismes sociaux qui viennent en aide aux étrangers en situation irrégulière. Le principe de charité peut les pousser à agir dans l’illégalité.
2 - Des martyrs pour aujourd’hui
Le martyre, que j’ai développé tout à l’heure comme forme éminente du témoignage donné par la première communauté chrétienne, connaît une nouvelle actualité aujourd’hui. Jésus en avertit ses
disciples dans l’Evangile : « Vous serez détestés de tous à cause de mon nom » (Mt 10, 22), dit Jésus. Chaque siècle connaîtra donc ses martyrs, au fur et à mesure de
l’évangélisation. Mais le 20e siècle est, plus que tout autre, le siècle des martyrs. A lui seul, il en compte plus que les 19 précédents. Martyrs du nazisme, martyrs du communisme, martyrs de
tous les totalitarismes. Martyrs, et pas seulement victimes. Car beaucoup sont morts à cause de leur foi et les actes de leur martyre n’ont rien à envier à ceux des premiers siècles. On pense à
St Maximilien Kolbe, à Edith Stein (Ste Thérèse Bénédicte de la Croix). Oscar Roméro est un authentique martyr, de même que le P.Popielusko en Pologne. Et aujourd’hui, on ne peut pas ne pas
penser à l’Eglise persécutée en Chine, en Corée du nord, au Vietnam, en Inde, sans compter tous les chrétiens menacés en terre d’Islam. Lorsque j’étais curé dans une paroisse de Lyon, j’avais
reçu deux Algériens qui fuyaient leur pays parce qu’ils étaient devenus chrétiens et qu’ils étaient menacés de mort au sein de leur propre famille. Un certain nombre de convertis de l’Islam, en
France, sont baptisés en secret de leur famille et de leurs voisins d’immeuble.
En France on ne meurt pas pour sa foi. Mais dans ce pays laïc il faut parfois un grand courage, notamment aux jeunes, pour s’affirmer chrétiens. Ceux qui fréquentent l’église ou le catéchisme se
font parfois moquer d’eux par leurs camarades et même leurs professeurs. Un jeune me parlait de la formation qu’il faisait en communication. On lui enseignait à décrypter les manipulations par
l’image. Et l’exemple qui était donné pour l’examen c’était un tableau d’une Vierge à l’enfant. Il fallait dire comment l’Eglise, à travers ce tableau, manipule les esprits. Les cours de
philosophie, d’histoire, de biologie, de littérature, sont des lieux habituels de propagande antireligieuse. Un jour, un élève en classe s’est révolté en disant à son professeur : « si
vous vous attaquez à ma religion, c’est parce que vous savez que je n’irai pas crever les pneus de votre voiture. » Je ne veux pas noircir le tableau, mais il est vrai que les instituts de
formation des professeurs de l’enseignement public ont une culture marquée par l’anticléricalisme. Cela s’explique par le fait que l’école publique, comme le régime républicain, est née dans
l’opposition à l’Eglise catholique.
Ce qui est demandé aux chrétiens, ce n’est pas toujours d’être martyrs, mais c’est d’être des résistants, à tous les sens du terme. D’être résistants, d’être forts dans leur foi, d’être forts
dans l’espérance, d’être forts dans l’amour. Il leur faut notamment résister aux idéologies. La société moderne a triomphé de l’idéologie nazie, de l’idéologie marxiste, même si demeurent
quelques pays communistes. Il y a eu des résistants et même des martyrs de ces idéologies. Mais aujourd’hui d’autres idéologies se sont répandues, qui semblent inoffensives mais qui sont
destructrices. Je pense au libéralisme économique et au libéralisme moral. Les chrétiens doivent résister à cette double idéologie, qui consiste à ne pas mettre de barrières à l’action
de l’homme en matière économique, scientifique, biologique ou sexuelle.
3 – Une sainteté à multiples visages
Il est difficile de prendre le recul nécessaire pour bien voir comment peut prend forme aujourd’hui la sainteté des premiers siècles. Mais, si j’en reprends les
différentes formes que j’ai évoquées – le témoignage communautaire, le martyre, l’ascèse, l’engagement – elles sont particulièrement porteuses d’avenir :
Des communautés
fraternelles : l’appel à la sainteté reste un appel à la communion : qu’il
s’agisse des communautés paroissiales, qu’il s’agisse de la vie religieuse. En ce qui concerne la vie religieuse, les jeunes se tournent vers les communautés qui proposent le plus
d’exigences : que ce soit les anciens ordres contemplatifs (bénédictins, cisterciens) ou des congrégations nouvelles qui reprennent les règles de saint Benoît ou de saint Bruno. Le témoignage donné par les premières communautés chrétiennes, qui « mettaient tout en commun » reste un appel pour nous, et de nouvelles réponses sont données aujourd’hui, par des fraternités de laïcs, des communautés nouvelles réunissant prêtres, consacrés et laïcs, formés
en associations publiques ou privées de fidèles (les movimenti) comme on les nomme à Rome. Tout le monde dans ces communautés n’est pas saint, mais ces communautés offrent un véritable
chemin de sainteté.
De nouveaux martyrs et des
résistants spirituels : je n’y reviens pas. Les chrétiens continuent à verser leur sang, j’en ai donné plusieurs exemples. Mais les décennies à venir verront sans doute béatifier les autres
formes de martyres dont j’ai parlé : les résistants spirituels. Les jeunes, en particulier, peuvent être de puissants témoins de cette résistance spirituelle, à l’image de Pier Giorgio
Frassati, béatifié par Jean Paul II en 1990, qui disait : « A nous (chrétiens) il n’est pas permis de vivoter. Vivre est notre devoir ! ». Il s’est donc engagé résolument
contre le fascisme de Mussolini, ce qui lui a valu la prison, mais aussi auprès des pauvres, ce qui lui a valu d’attraper la poliomyélite, dont il mourra à l’âge de 24 ans. Luttant contre
l’esprit du monde, il s’est pourtant attaché à rester pleinement dans le monde, aimant la vie, refusant la tristesse et la mélancolie, et entraînant ses camarades dans de grandes excursions en
montagne. Son engagement était fortement enraciné dans la prière, et s’appuyait sur la spiritualité dominicaine.
Des témoins de la radicalité
évangélique : la radicalité évangélique, notamment à travers les conseils évangéliques de pauvreté, chasteté, obéissance, est un signe donné pour le monde, en dehors même de la vie
religieuse. Des laïcs vivent comme des ermites en plein monde, mettant la prière au cœur de leur vie, des couples et des familles choisissent la pauvreté radicale. Dans notre société de
consommation, le chrétien est, comme aux premiers siècles de l’Eglise, un témoin du Royaume qui n’est pas de ce monde et qui résiste au culte de toutes les idoles.
Des serviteurs du Christ
engagés auprès de leurs frères
* Auprès des pauvres : depuis les premiers chrétiens jusqu’aujourd’hui, depuis saint Martin jusqu’à la bienheureuse Mère Térésa, le service des pauvres est un appel constant du Seigneur à son Eglise. Lorsque Jésus envoie ses disciples en mission avec pour seul bagage des sandales et un bâton pour la route, qu’il leur demandait,
tout en prêchant, de guérir les malades, il indiquait un chemin auquel l’Eglise se doit d’être fidèle de siècle en siècle, sous des formes infiniment variées. Le service des pauvres
s’appelle aujourd’hui la solidarité, l’action humanitaire, la coopération au développement. Cela n’est pas forcément un signe de sainteté. Ce peut être un vrai business. La sainteté commence lorsque celui qui s’occupe des pauvres prend lui-même la condition d’un
pauvre. C’est alors que le Christ se rend visible, lui qui, « de riche qu’il était, s’est fait pauvre pour nous enrichir de sa pauvreté ». (2 Co 8,9).
* Dans la société : Aujourd’hui, cet engagement peut prendre des formes extrêmement variées, en particulier l’engagement politique. Jadis l’Eglise a canonisé des rois, tel saint Louis, roi
de France, un serviteur de la justice à l’instar de Salomon. Jean Paul II a béatifié Charles Ier, empereur d’Autriche-Hongrie, un homme de paix. Le 20e siècle a fait se lever d’admirables hommes
politiques, comme Robert Schuman, un pionnier de la construction de l’Europe, et Edmond Michelet, un grand résistant, puis ministre de la France, qui ont œuvré au nom de leur foi. Leur procès de
béatification est en cours. Et le pape Benoît XVI, dans sa dernière encyclique Caritas in veritate, lance un véritable
appel à la sainteté pour tous les responsables politiques et économiques, mais aussi pour nous tous, en nous invitant à unir
charité et vérité, morale personnelle et morale sociale et économique, respect de l’environnement et respect de l’homme.
Conclusion
En partant du témoignage de l’Eglise primitive, j’ai essayé de le comparer avec celui que le Seigneur nous appelle à donner. L’Eglise primitive, née de la
Pentecôte, a répandu l’immense joie de la résurrection du Christ. La résurrection de Jésus a fait naître une communauté dont l’unique but était de vivre dans la communion avec le Christ vivant,
c’est-à-dire dans la foi, l’espérance et la charité : une foi, une espérance et une charité rayonnantes, qui furent la force des missionnaires et des martyrs. Depuis les premiers siècles de
l’Eglise jusqu’à nos jours, c’est la même foi, la même espérance et la même charité qui remplissent le cœur des disciples du Christ. L’Esprit qui soufflait à la Pentecôte est le même qui continue
à souffler sur l’Eglise. C’est donc une seule sainteté, celle du Christ lui-même, qui se manifeste à travers les différentes époques et dans les multiples
cultures.
Le jour de la Pentecôte, au milieu des disciples qui recevaient le Saint Esprit, il y avait la Vierge Marie. C’est à elle, la toute-sainte, que nous pouvons confier l’Eglise d’aujourd’hui,
appelée à la sainteté. Marie, qui fut remplie de l’Esprit Saint au jour de l’Annonciation, qui tressaillit de joie dans
l’Esprit Saint à la Visitation, dont la foi fut pleine de lumière à Cana, mais pleine d’obscurité pendant le ministère de Jésus, elle qui est demeurée dans l’espérance jusqu’à la croix, et qui
fut toute sa vie remplie de l’amour de Dieu, elle reçoit désormais le Saint Esprit avec les apôtres, afin d’accompagner l’Eglise sur son chemin de sainteté.
Qu’elle nous soutienne aujourd’hui dans le témoignage que nous avons à rendre au Christ devant le monde.
Mgr Thierry Brac de la Perrière, évêque auxiliaire du diocèse de Lyon
12 septembre 2009
A lire :
le programme détaillé de ce
colloque sur le site du diocèse de
Galveston-Houston."